CAMEROUN : DE NOUVELLES RÉVÉLATIONS DANS L’AFFAIRE ALBATROS
Marafa Hamidou Yaya, Ephraïm Inoni, Meva’a Meboutou, Yves-Michel Fotso et de nombreuses autres personnes ont été cités dans la phase II de l’instruction judiciaire sur cette affaire. Comme nous l’annoncions dans notre édition N°1282 du 12 janvier 2010, l’ancien Premier ministre, est vraiment dans de sales draps, près de huit mois après sa sortie du gouvernement. Après avoir été entendu à plusieurs reprises dans le cadre de l’affaire Albatros depuis son repli stratégique dans sa cité balnéaire de Limbé, Ephraïm Inoni sera de nouveau devant les autorités judiciaires de notre pays.
Son nom a été cité dans l’affaire de détournement de la tranche de 27 millions de dollars Us avancés par la Société nationale des hydrocarbures (Snh) pour l’achat du ‘Bbj-2’ présidentiel. A côté du sien, on retrouve également des noms bien connus. A l’instar de Yves-Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Fernando Gomez Mazéra, Russel L. Meek, dame Sadjong Gisèle, Mamadou, Ying André, Ndonmo, Youmi Raymond, Tchana Hugues, Ngoumba, Mandeng, et plusieurs autres individus physiques jusqu’ici non identifiés.
On croyait pourtant que l’affaire était en voie de clôture avec la restitution du passeport de certaines personnes incriminées dans le dossier Albatros qui accable Jean Marie Atangana Mebara, écroué depuis le 6 août 2008 à la prison centrale de Kondengui. Malheureusement, avec la sortie de Pascal Magnaguémabé, le juge d’instruction chargé de ce dossier, la quiétude qui s’était emparée de certaines personnalités impliquées dans cette affaire, vient de disparaître. Désormais donc, les cœurs des uns et des autres battent la chamade et les questions sur les futures proies de « l’Epervier » dans ce dossier se font de plus en plus urgentes et récurrentes.
Le cas Atangana Mebara
Au moment où on s’attendait à une liberté provisoire à la suite de l’expiration de son délai légal de détention provisoire cumulée à 18 mois maximum dans le cadre des poursuites criminelles, selon le nouveau code de procédure pénale, Jean Marie Atangana Mebara devra encore rester cloîtré dans sa cellule de Kondengui. Pascal Magnaguémabé, lui a notifié le 05 février dernier deux actes de procédure pris ce même jour. Dans une ordonnance de règlement mixte (non lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi), d’après nos sources, le juge d’instruction dit avoir trouvé « des charges suffisantes contre Atangana Mebara Jean-Marie » pour le crime de tentative de détournement de deniers publics en co-action de la somme de 31 millions de dollars Us », un peu plus de 24 milliards Fcfa à l’époque des faits. Il est logé dans la même enseigne que Kevin Walls, ancien directeur général de Aircraft Portfolio Management, une société de droit anglais ayant pour filiale camerounaise Assets Portfolio Management dont le Dga était Hubert Marie Otélé Essomba. Ces derniers seront-ils rejoints dans les geôles de Kondengui par les autres personnes incriminées dans le dossier Albatros ? Seul l’avenir nous le dira. Mais toujours est-il, que de nouveaux éléments, très intéressants, viennent de faire leur entrée dans cette affaire.
De nouvelles révélations
Quelles voies ont emprunté les 31 millions de dollars Us, un peu plus de 24 milliards Fcfa selon le taux de change en vigueur à l’époque des faits, décaissés de la Snh pour l’achat d’un avion au président Paul Biya ? La question taraude l’esprit du juge d’instruction en charge de ce dossier. D’après des sources bien introduites, ce dernier est déterminé à faire toute la lumière autour de cette affaire, quitte à « faire tomber » d’autres têtes.
Les éléments en notre possession font état de ce que le problème du renouvellement de l’avion présidentiel date d’avant l’arrivée de Yves Michel Fotso à la tête de l’ex Camair. Mais que c’est courant juillet-août 2001 que la proposition de Gia International qui consistait en un apport d’environ 43% de la valeur de l’avion, soit 31 millions de dollars Us et le solde échelonné sur dix ans a été avalisée. Tout s’était d’ailleurs bien passé jusqu’à l’arrivée d’un nouveau secrétaire général à la présidence de la République, en août 2002. Ce changement d’hommes va également entraîner un flou dans la suite de l’opération. A la suite de quelques réunions, Atangana Mebara, le nouvel homme fort du secrétariat général à la présidence de la République décide donc de mettre un terme au contrat avec Gia International, contre toute attente, alors que les choses semblaient avancer et demande par la même occasion le remboursement de la somme versée à cette structure. Au moment de la rupture, sur les 31 milliards de dollars Us sortis des caisses de la Snh, seuls selon nos sources, 4 milliards auraient été reversés dans les caisses de Boeing. Pourquoi ? La question fait reste tout un mystère. Ce qui n’est pas pour nous décourager. Elle fait d’ailleurs l’objet des enquêtes par nos soins. Mais compte tenue des relations tendues entre Yves Michel Fotso et Atangana Mebara, un nouvel intervenant va entrer dans la danse. Il s’agit de Aircraft Portfolio Management (Apm), avec pour mandat de récupérer auprès de Gia International l’argent versé.
Interrogations
Qu’est-ce qui a motivé la rupture de ce contrat ? D’où vient Apm, qui avait en son sein de personnes directement impliquées dans la gestion du dossier de l’acquisition d’un avion présidentiel, comme Ephraïm Inoni, président du conseil d’administration et secrétaire général adjoint à la présidence de la République ? Il lui est également reproché le fait d’avoir négocié des facilités de financement évaluées à 3,2 milliards Fcfa auprès de la Standard Chartered Bank pour aider le gouvernement à se tirer d’affaire devant Ansett World Wide, qui menaçait alors de retirer ses avions de la flotte de la Camair. A ce niveau le magistrat instructeur ne sait pas encore si ces opérations s’appuyaient sur des factures des prestations réellement fournies par Ansett World Wide à la Camair ou pas.
Les regards sont désormais focalisés sur Michel Meva’a Meboutou. Pourquoi le nom de cet ancien ministre de l’Economie et des Finances apparaît très peu dans les débats, alors qu’il était à l’époque des faits, celui qui aurait suggéré à Yves Michel Fotso en sa qualité de Dg de la Camair, de signer le premier contrat avec Gia International pour « jongler » les bailleurs de fonds ? Son implication permettrait peut-être de comprendre si effectivement l’argent est sorti des caisses de l’ex Camair domicilié à Commercial Bank of Cameroon (Cbc), ou de cette banque, comme l’aurait argué M. Fotso. Car, il faut noter ici, d’après nos sources, que sur ces 31 millions de dollars Us virés dans le compte de Gia International à la Bank of Amerika à New-York avec pour destination la société Boeing, 16 millions de dollars Us ont refait le chemin du Cameroun. Et les sources proches du dossier soulignent qu’ils auraient fait l’objet d’un partage dans les guichets de la Cbc. L’identité des bénéficiaires n’a pas été dévoilée, nonobstant l’insistance des responsables en charge du dossier. Et pour quelles raisons ? Toujours est-il que les experts commis par le juge d’instruction ont pu démontrer que c’est le compte de la Camair logé à la Cbc qui a supporté l’opération et que le remboursement opéré par la Snh a été confisqué par la Cbc.
Marafa Hamidou Yaya, qui était secrétaire général de la présidence de la République lorsque les 24 milliards furent décaissés intéresse lui aussi la justice. Ce dernier serait responsable du choix porté sur Gia International, malgré les réticences clairement exprimées par le ministre de l’Economie et des Finances et devrait lui aussi s’expliquer, selon le juge d’instruction.
S’agissant des chefs d’inculpation concernant les 4 milliards Fcfa débloqués par la Snh pour régler une facture de Ansett Worl Wide, l’un des loueurs d’avion de la Camair, somme pour laquelle Jean Marie Atangana Mebara et Ephraïm Inoni sont soupçonnés de mauvaise gestion, le juge d’instruction souhaite approfondir davantage ses investigations pour élucider davantage les circonstances ayant présidé à ces règlements à Ansett Worl Wide.